Draw me your song! L’exposition

exposition

Vernissage le 28 août 2015 18h
Opening on 28 august 2015 6pm
Commissariat / Curator
Guillaume Mansart

Friche la Belle de Mai, 41 rue Jobin Marseille 13003
Entrée libre / Free entry
Salle des machines
Jeudi au dimanche de 13H à 19H
Thursday to Sunday 1pm to 7pm

Draw me your song ! est un projet en deux chapitres, le premier est constitué par l’édition en ligne de la revue web additional document #3, le second par l’exposition à la Friche Belle de Mai, Marseille.
Ce projet bi-polaire souhaite travailler les porosités et tente de donner à lire quelques-unes des interactions qui peuvent se manifester entre des champs de création a priori étrangers les uns aux autres. Plus particulièrement, l’exposition s’intéresse à la manière dont la musique surgit sur le territoire de la forme. Le dessin, en ce qu’il s’oppose en presque tout dans sa mise en oeuvre à la musique, occupe une place centrale dans ce lieu de rencontre contre-nature. Si la musique, dans son acceptation générale est associée à l’événement, au collectif, au live, si elle constitue un moment de partage de sociabilité, le dessin pour sa part peut être perçu comme un endroit de repli. Pourtant, il arrive que le dessin déborde du cadre et convoque la chaleur de la scène, qu’il investisse l’espace et prenne sa part de vivant !
A travers le travail de quatre artistes choisis sur les sites Documents d’artistes de différentes régions, c’est cette indiscipline qui se donne à lire dans l’exposition Draw me your song !

Draw me your song! is a project in two chapters, the first consisting of the on-line publication of the web magazine Additional document #3, the second of the exhibition at La Friche Belle de Mai, in Marseille.
The intent of this bi-polar project is to work on porosities and try to offer readers some of the interactions that can come to the fore between areas of creation that are seemingly alien to each other. More particularly, the exhibition is interested in the way music surges over the territory of form. Insomuch as drawing is in almost every case the contrary of music in its application, it has a central place in this place of unnatural encounter. If music, in its general accepted sense, is associated with the event, with the collective, and with live performance, if it represents a moment of shared sociability, drawing for its part may be perceived as place of withdrawal. But drawing can at times spill out of the frame and summon the warmth of the scene, and it can occupy the space and play its part as something living ! Through the work of four artists chosen on the Documents d’artistes websites in different regions, it is this lack of discipline which is presented in the exhibition Draw me your song !

Stephanie-Nava-2

A Man a Woman est un film de 7’40 réalisé par Stéphanie Nava sur une musique écrite spécialement par Graham Gargiulo. L’animation composée de dessins de l’artiste met en scène une femme, un homme, des arbres, des maisons et une voiture, un vocabulaire de formes minimum à partir duquel se joue l’éternelle histoire de l’humanité. La solitude, la rencontre, la perte et la nature qui semble vivre l’émotion à l’unisson, la ville comme un isolement, comme une organisation raisonnée qui peine à maintenir en éveil le souffle de la rencontre. A Man a Woman est une idylle contemporaine. En s’appuyant sur la musique de Graham Gargiulo, Stéphanie Nava met à profit le potentiel émotif du riff de guitare. On ne sait pas vraiment si le trait accompagne les notes ou si c’est l’inverse, mais cela n’a pas vraiment d’importance, le dessin prend vie et la musique s’incarne. Là ou l’homme et la femme se cherchent, musique et dessin se rencontrent pour construire une narration sensible et complexe jouant sur plusieurs registres d’émotions.

A Man a Woman is a 7’40 film made by Stéphanie Nava about a piece of music written specially by Graham Gargiulo. The animation composed of the artist’s drawings presents a woman, a man, some trees, houses, and a car, a minimum vocabulary of forms based on which the eternal history of humankind is played out. Solitude, encounter, loss and nature which seems to experience emotion in unisson, the city as a form of isolation, like a reasoned organization struggling to keep the afflatus of the encounter awake. A Man a Woman is a contemporary idyll. In relying in Graham Gargiulo’s music, Stéphanie Nava makes the most of the empotive potential of the guitar riff. We do not really know if the line accompanies the notes or if it is the other way round, but this is not really important, the drawing comes to life and the music incarnates itself. Precisely where the man and the woman seek each other, music and drawing meet to construct a sensitive and complex narrative playing on several emotional chords.

ANtoine Dorotte

C’est aussi une forme rencontre qui se donne à lire dans le film Sur un coup d’surin d’Antoine Dorotte. L’animation de 50 secondes réalisées à partir de 257 plaques de zinc gravées à l’eau forte, figure une danse, un combat à l’arme blanche inspiré de celui des leaders des jets et des sharks dans le film West Side Story. Les voyous, ici masqués, sont deux insectes qui cherchent à se piquer pour conserver leur  prise. Il n’y a plus de musique, plus de décors non plus, pas plus de figurants… l’action se trouve ramenée à la danse élégante et macabre de ces deux grotesques blousons noirs. Et l’action se déroule à coup de plaques de zinc, les accidents de gravure accompagnent les mouvements de jambes et les bras qui s’agitent. Le support, par ses imperfection, semble nourrir le duel et fait basculer la scène dans un registre onirique. Alors bien sûr il y a une forme de prouesse technique dans ce film de 50 secondes, mais c’est surtout une forme de violente poésie qui se met en place dans l’entrelacement plus ou moins contrôlé de ces couteaux. Sur un coup d’surin parvient à allier la contrainte d’une écriture formelle d’une redoutable précision et la part aléatoire d’une technique de gravure vivante.

This is also a form of encounter which can be read in the film Sur un coup de surin by Antoine Dorotte. The 50-second animation made with 257 etched zinc plates depicts a dance, a duel with swords inspired by that of the leaders of the Jets and the Sharks in the film West Side Story. The hoodlums, who are masked here, are two insects trying to sting each other to conserve their catch. There is no more music, no sets either, and no extras… the action is returned to the elegant and macabre dance of these two grotesque rockers. And the action unfolds from zinc plate to zinc plate, the accidents of etching accompany the movements of legs and arms waving about. The medium, through its imperfections, seems to fuel the duel and pushes the scene over into a dreamlike register. So, needless to say, there is a form of technical prowess in this 50-second film, but it is above all a form of violent poetry which is introduced in the more or less controlled interplay of these knives. Sur un coup de surin manages to combine the restriction of a tremendously precise kind of formal writing and the random part of a living technique of engraving.

 

Paquelier

On pourrait dire qu’il y a aussi cet équilibre entre l’accident et la maîtrise dans l’oeuvre grand format de Ludovic Paquelier. Dire également qu’il y a cette rencontre improbable entre grâce et violence dans le jeu de scène du chanteur des Cramps. Lux Interior est sans doute l’un des pseudonymes les plus étrange de l’histoire du rock, c’est pourtant celui qu’a choisi Erik Lee Purkhiser pour incarner cette figure extravertie plantée dans ses pantalons taille basse. Sur plus de 6 mètres, Ludovic Paquelier tente un portrait en action de l’énergique leader des Cramps. Pour se faire, l’artiste opère d’abord à partir d’une banque d’images qu’il a glanées sur internet, il trie, organise, compose avant de prendre le pinceau. Cette manière de procéder, si elle s’est généralisée en même tant que le web, n’est pas ici sans rapport avec l’histoire du fanzine. Choisir, découper, coller, composer, donner à lire. Il faut dire que les oeuvres de Ludovic Paquelier se nourrissent d’abord de ses passions, pour le cinéma d’horreur, les séries B, ici donc les Cramps. « A la précision graphique du trait figuratif », écrit Madeleine Aktypi, « répondent les pollutions énergiques des empreintes abstraites que laissent les différents accessoires que Paquelier jette et traîne contre les murs ». En découle une oeuvre composite à la facture dynamique qui porte en elle la puissance démesurée du rock.

We might say that there is also that equilibrium between accident and mastery in Ludovic Paquelier’s large format work. Also that there is this unlikely encounter between grace and violence in the performance of the Cramps singer. Lux Interior is probably one of the strangest pseudonyms in the history of rock, yet it is the one chosen by Erik Lee Purkhiser to incarnate this extroverted figure standing there in his low-slung pants. Over more than six metres/20 feet, Ludovic Paquelier attempts an action portrait of the energetic leader of the Cramps. To do so, the artist first works from an image bank gleaned from the Internet; he sorts, organizes and composes before taking up the brush. If this way of proceeding is generalizes at the same time as the web, it is not unconnected with the history of the fanzine. Choosing, cutting, pasting, composing, offering for reading. It has to be said that the works of Ludovic Paquelier are fuelled first of all by his passionate interest in horror films, B-movies, and so here the Cramps. The graphic precision of the figurative line, writes Madeleine Aktypi, corresponds to the energy pollutions of the abstract imprints left by the different accessories which Paquelier throws and drags against the walls. What comes out of this is a dynamically made composite work which bears within it the disproportionate power of rock.

 

OutOfSight2

Cette qualité irrationnelle, sensible voire magique de la musique occupe également une place centrale dans l’oeuvre Out of Sight d’Olivier Millagou. Revenant sur l’histoire de la musique surf, l’artiste compose une installation sonorisée dans laquelle un nuage d’instruments à cordes semble menacer alors que le son d’une dune de sable gronde. Enregistré dans la Vallée de la Mort, non loin du lieu d’origine de la musique surf, le son de cet orchestre naturel imprègne l’espace d’une atmosphère étrange. Pour l’artiste, ce chant du sable pourrait être l’origine des musiques surf, Brian Wilson lui-même (les pieds dans le bac à sable installé au milieu de son salon) aurait pu entendre ce grondement avant de composer les meilleurs morceaux des Beach Boys. Comme si les forces telluriques lui avaient livrés leur secret. Mais Out of Sight est un orage noir de nuages. Les guitares, les basses, les ukulélés et les banjos qui flottent dans les airs, figurent un ciel menacant. On assiste ici à la fin de quelque-chose : « A l’origine, dit Olivier Millagou, la musique surf c’était simplement la musique que les surfeurs écoutaient, et qui variait selon l’endroit où tu vivais et selon ton âge. Elle n’était pas formatée avant le milieu des années 60. Moment où les maisons de disques ont réalisé qu’elles pouvaient créer un autre moyen de se faire de l’argent avec les adolescents ». La fin d’un age d’or donc, le début d’autre chose. Et un soleil couchant qui se consume des dessins qui s’animent.

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This irrational quality of music, which is perceptible and even magical, also has a central place in Olivier Millagou’s work Out of Sight. Coming back to the history of surf music, the artist makes an installation with a sound track in which a cloud of stringed instruments seems to threaten while the sound of a sand dune rumbles. Recored in Death Valley, California, not far from from where surf music originated, the sound of this natural orchestra impregnates the space with a strange atmosphere. For the artist, this sand song might be at the root of surf music; Brian Wilson himself (his feet in a sand box installed in the middle of his living room) might have heard that rumbling before composing the Beach Boys’ best tunes. As if the telluric forces had yielded him their secrets. But Out of Sight is a dark storm of clouds. The guitars, double basses, ukeleles and banjos which float in the air depict a menacing sky. We are here witnessing the end of something:  Originally, says Olivier Millagou, surf music was simply the music that surfers listened to, and which varied depending on where you lived and your age. It wasn’t formatted before the mid-1960s. That moment when record companies realized that they could create another way of making money with teenagers. The end of a golden age, then, and the start of something else. And a setting sun consuming itself.

(translated by Simon Pleasance)

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